Revue Vallée de la Culture n°8 - page 40

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Une passion devenue dévorante
Picasso s’empare de la terremeuble avec cet instinctqui
privilégie le jeu, la fantaisie, la poésie. Son vocabulaire
plastique est infini, il défait, déforme, puis construit,
magnifie l’assemblage et le modelage, créant ainsi trois
mille cinq cents œuvres originales en terre ! Picasso est
heureux à Vallauris où il vit une sorte de « récréation »
aumilieu de la famille des potiers dont il partage l’amitié.
D’ailleursVallauris le nomme citoyen d’honneur en 1950
et organise des corridas pour son agrément. Dès ses
débuts, l’atelier Madoura devient le lieu indispensable à
sa création. Picasso se tourne, d’une part, vers les objets
SÈVRES
Exposition
utilitaires qui lui rappellent son enfance à Malaga,
métamorphosant enœuvres d’art, assiettes, plats, poêlons,
marmites…Et d’autre part, vers les pièces dont le volume
s’apparente à de la sculpture, vases anthropomorphes,
assemblages… Une passion dévorante, au point qu’en
1947, Picasso quitte Paris et s’installe près deVallauris avec
Françoise Gilot et Claude, leur premier enfant. Chaque
jour, il se rend à l’atelier Madoura. La malléabilité de la
terre l’enchante, il façonne l’argile crue,
« de la fin de la
matinée jusqu’au soir »
, (Françoise Gilot in
Vivre avec
Picasso
). Par son pouvoir de métamorphoser la terre,
Picasso incarne le démiurge de la célèbre photo de
Doisneau, prise à Vallauris en 1952.
« Tout est point de départ »
, explique Picasso. À travers la
terre, undialogue concret peut s’engager entre samytho-
logie personnelle, celle de l’Espagne et des figures de la
tauromachie, et ses références aux civilisations passées :
étrusque, chypriote et principalement l’Antiquité grecque,
avec ses figures de lamythologie pourvoyeuse d’images
parfois transgressives, d’agapes, bacchanales, faunes,
satyres, centaures au trident, êtres hybrides…
«
Vous devriez penser à la céra-
mique. C’est merveilleux ! »
, conseillait le sculpteur Henri
Laurens à Picasso.
L’été 1946, la vie est belle sur la Côte d’Azur où Picasso
séjourne fréquemment àGolfe-Juan, avec FrançoiseGilot,
sa compagne. L’artiste a pu s’installer à Antibes, pour
peindre, dans l’ancien château des Grimaldi transformé
enmusée. L’œuvre de Picasso estmondialement connue
à travers ses coups d’éclat : les
Demoiselles d’Avignon
(1907),
l’aventure cubiste avec Braque (1908 à 1914), le chef-
d’œuvre historique de la tragédie de
Guernica
(1937).
C’est en visitant une fabrique de céramiques, « l’atelier
Madoura », àVallauris, un village tout proche, que l’artiste
découvre les arts de la terre. Cette fabrique, dirigée par
Georges et Suzanne Ramié, réunit quelques potiers.
Picasso, âgé de 65 ans, imagine aussitôt le parti créatif
qu’il pourra tirer de ce matériau pour recréer d’autres
objets à partir de ceux qui sont les plus populaires en
Provence. L’artiste fait son premier essai chez les Ramié
en modelant dans la glaise deux taureaux et un faune.
« Ce qui compte c’est la spontanéité, l’impulsion…»
, confie
t-il alors à son secrétaire et ami, Jaime Sabartés.
Vase aux danseuses ou
Bacchanale
, 24 juillet 1950.
Grand vase à col évasé
(empreinte originale), terre
cuite rouge, gravée et peinte à
l'engobe ocre. H. 70 ; L. 32 ;
Pr. 32 ; D. 16 cm. Pièce unique.
Collection particulière
© Succession Picasso 2013
Photos : Maurice Aeschimann
Photo : Maurice Aeschimann
Nature morte à la grappe de
raisin, Tête de faune
(verso),
31 janvier 1948. Plat ovale,
terre blanche, décor aux
oxydes et émail, glaçure
transparente partielle,
incisions, patine.
H.32 ; L.38 ; 4 cm
Collection particulière
© Succession Picasso 2013
1...,30,31,32,33,34,35,36,37,38,39 41,42,43,44,45,46,47,48,49,50,...122
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