Revue Vallée de la Culture n°8 - page 108

boulogne
Enquête
4. Il ne s’est pas marié, alors que dans le métier de la
banque, on cherche traditionnellement à fonder des
dynasties. Pourquoi ?
Il lui importe de pérenniser ses fondations, pas sa banque.
Vers 50 ans, il présente son célibat comme un choix
délibéré, en accord avec sa « vocation» de philanthrope :
la vie mondaine d’une femme de la bourgeoisie exige
moult dépenses futiles, en toilettes notamment. Lui veut
consacrer et léguer toute sa fortune à son œuvre.
Cependant l’explication de l’homme mûr reconstruit le
passé et contribue à édifier l’icône d’unAlbert Kahndésin-
carné, statufié en bienfaiteur de l’humanité ayant volon-
tairement tout sacrifié à cette cause : dans sa jeunesse, il
s’était épris de sa cousine Laure Lévy, mais elle avait déjà
choisi commemari GustaveGlotz (l’historiende laGrèce
antique). Bien qu’il en ait éprouvé un véritable choc émo-
tionnel, il restera ami avec le coupleGlotz. En 1929, Laure
fait partie, alors qu’elle n’a aucune fonction officielle, des
signataires de l’acte par lequel il lègue ses fondations à
l’université de Paris : enun raccourci émouvant, il associe
ainsi son amour de jeunesse à son testament.
Cette fidélité de cœur ne l’empêche pas d’avoir une
maîtresse,Marie-Angèle Renault (Aisey-sur-Seine 1856 –
Boulogne 1930). Mais elle demeure pour nous réduite à
son état-civil : nous ignorons quel fut son statut et son
existence auprès d’un homme réputé tout à la fois grand
misogyne mais timidement féministe, rustaud mais
charmeur…
5. Son mode de vie obéit-il à une philosophie particu-
lière ?
La vie quotidienne de Kahn est régie par une véritable
discipline, si peu en rapport avec sa conditiondemillion-
naire qu’elle a concouru à lui façonner une solide
réputationd’étrangeté : végétarisme, gymnastique quoti-
dienne par tous les temps au parc Saint-Cloud et –enfin
de semaine –jeûnes et nuits deméditation à la belle étoile
en forêt ou en plein champ… alors qu’il possède de
magnifiques villas en bord de mer.
Pourtant, une partie de ce qui estressenti comme «bizar-
reries » par ses contemporains ne fait qu’obéir aux
© Musée Albert-Kahn - Département des Hauts-de-Seine
© Musée Albert-Kahn - Département des Hauts-de-Seine
La villa Kahn au
cap Martin, janvier-
février 1927.
Autochrome 9 x 12 cm
de Camille Sauvageot.
Place de la Bourse,
le théâtre et le symbole
de la fortune du
banquier Albert Kahn.
Paris, juin 1914.
Autochrome 9 x 12 cm
de Georges Chevalier.
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