Revue Vallée de la Culture n°8 - page 114

AUVERGNE
ALBERT KAHN,
« VISAGE AU
VENT »
,
A
vant la Première Guerre mondiale, le banquier
possède quatre automobiles, dont deuxMercedes de
40 et 60 chevaux, répertoriées lors du recensement
de 1911 comme les plus puissantes des 164 véhicules de
tourisme de Boulogne-sur-Seine.
Àcetteépoque, Kahnapparaît« férude locomotionmoderne
et de vitesse » à l’universitaire Fernand Baldensperger,
qui l’entendexprimer sonenthousiasmepour l’aviationnais-
sante.
En voiture, il aime rouler à vive allure et s’amuse à impres-
sionner une de ses relations japonaises, le banquier Shibu-
sawa Eiichi :
« M. Kahn m’a fait monter dans une automobile
pour la première fois. J’étais très nerveux et M. Kahn, amusé
par ma peur, me dit jovialement : “Votre vie m’est confiée”. Tout
en disant cela, il faisait encore accélérer. Même si cela ne se voit
pas, il est très espiègle. »
De 1909 à 1911, avant d’engager le géographe Jean Brunhes
comme directeur scientifique des Archives de la Planète,
le philanthrope dirige lui-même son projet d’inventaire
du monde par l’image. Il met à profit ses voyages person-
nels pour emmener son premier opérateur professionnel,
Auguste Léon.
C’estdans ce contexte qu’a été prise cette autochrome,met-
tant en scène dans un paysage d’Auvergne –le lac deGuéry
et les Puys alentour –, une voiture et trois personnages.
L’automobile est la puissanteMercedes 60 chevaux d’Albert
Kahn. Il a opté pour un modèle décapotable, qui lui per-
met de rouler
« le visage au vent »
comme il l’affectionne.
Amoureux de la nature et adepte de l’hygiénisme, le ban-
quier faisait travailler en plein hiver ceux qui avaient à faire
dans sa résidence les fenêtres grandes ouvertes, parce qu’il
était plus sain de bénéficier
« de l’air qui n’avait pas été déjà
respiré »
. Il n’entend pas être confiné dans une voiture fer-
mée !
Sur les cinq passagers de laMercedes, deux sont absents de
l’image : Auguste Léon, derrière l’objectif, et Albert Kahn,
fidèle à son désir de n’être pas photographié. Devant le
véhicule, se tientGeorgesDutertre, le chauffeur dubanquier.
On connaît le nom du couple qui pose fièrement dans la
« Belle Allemande » grâce à une inscription de l’opérateur
gravée au bord de la plaque autochrome :
« M. et M
me
Heymann »
(parents ou amis alsaciens de Kahn).
M
ARIE
C
ORNELOUP
Attachée de conservation du patrimoine au musée Albert-Kahn
Autochrome $ x"# cm
d’Auguste Léon,
#! juillet "$"".
© Musée Albert-Kahn
Département des
Hauts-de-Seine
114
albert-kahn
Chronique de l’œil
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