Revue Vallée de la Culture n°8 - page 111

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de « paix perpétuelle »de l’abbé de Saint-Pierre (1713) puis
s’estdéveloppé avec celui de Kant (1795). Ces précurseurs
voyaient déjà la paix garantie par le droit, l’arbitrage entre
les nations, le fédéralisme européen…
À la fin du XIX
e
, le pacifisme juridique est dans l’air du
temps : enFrance, il ne compte pasmoins d’une trentaine
d’organisations. À Genève, le journal de la Ligue inter-
nationale pour la paix et la liberté s’intitule :
Les États-
Unis d’Europe
. En 1899, la 1
re
Conférence de la paix de La
Haye met en place une cour permanente d’arbitrage.
L’adhésion de Kahn à cette tendance s’exprime surtout
par ses deux premières fondations, les bourses de voyage
(1898) et la société Autour duMonde (1906) : leur but est
de favoriser la formation d’un esprit international,
préalable nécessaire au fonctionnement de telles insti-
tutions. Mais cet esprit international s’entend comme
le second volet d’un diptyque dont le premier s’appelle
patriotisme : dans un monde devenu interdépendant,
l’intérêt national passe par la paix mondiale.
Ce type de pacifisme, au contraire du pacifisme intégral,
n’exclut pas l’idée de « guerre juste ». C’est ainsi qu’est
vue par lesAlliés la PremièreGuerremondiale : la respon-
sabilité unilatérale des Empires centraux est ressentie
comme un fait avéré. Kahn se situe dans la même
veine : il fustige la mentalité de
« fauve »
du régime de
Guillaume II et, dans la lignée du pacifisme juridique,
appelle à un conseil fédéral mondial appuyé sur des
conseils nationaux.
organismes laïcs constitue pour les juifs une réponse à
l’antisémitisme. Durant tout le XIX
e
, a fortiori dans les
années 1890, la bienfaisance et le mécénat manifestent
un attachement à la nation française, un besoin de légi-
timer la fortune.
Kahn est extérieur aux grandes familles protestantes et
juives, où les alliances composent des réseaux philan-
thropiques. Cela n’empêche pas ses aspirations de
recouper celles d’un Benjamin Delessert ou d’un Max
Lazard. Ces hommes offrent des relais à l’esprit des
Lumières, prolongé par le saint-simonisme : il s’agit
d’œuvrer pour le Progrès.
Dans ce dessein, Kahn choisit peu les multiples associa-
tions caritatives de la III
e
République. Il porte lui-même
son projet et lui donne une visée universelle.
8. Dans quel courant du pacifisme s’insère-t-il ?
Le pacifisme de Kahn se rattache à l’irénisme, volonté
d’apaiser les conflits par la conciliation des contraires.
Lui-même apparaît à ses contemporains comme un
homme de contrastes, aux comportements paradoxaux.
L’harmonie consiste à trouver un équilibre dans l’oppo-
sition, dans la foisonnante diversité qui fait la richesse
de la vie.
Sur le plan de l’action, il s’insère dans la mouvance du
pacifisme juridique, qui aboutira à l’issue de la Première
Guerremondiale à la création de la Société des Nations.
Ce courant estné au début duXVIII
e
siècle, avec le projet
© Musée Albert-Kahn - Département des Hauts-de-Seine / Collection Charcot
Expédition de
Jean-Baptiste Charcot
en Antarctique,
en 1908-1910 :
le Pourquoi-Pas ?I,
son trois-mâts.
Plaque noir & blanc
8,5 x 10 cm (recadrage),
opérateur non mentionné,
s.l. s.d. (plaques positives
de projection).
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