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les projections holographiques, des effets

sonores et visuels toujours plus spectacu-

laires.Mais les créateurs explorent égale-

ment des formes qui n’auraient pas pu

exister sans l’apport spécifiquedunumé-

rique. L’intelligence artificielle, lebigdata,

la robotique, la réalité augmentée, les

réseaux sociaux, les biotechnologies ou

encore les nanotechnologies sont pour

eux des moyens d’investir de nouvelles

dimensions du réel. Ils créent des expé-

riences inédites reposant sur des proces-

sus d’interaction et d’empathie. Dans le

monde entier cette création foisonnante

rencontreunpublicnombreux, deplus en

plus familier des usages numériques.

À l’ère des technologies cognitives, celle-

ci peutégalementapporter une immense

contribution au monde de l’innovation,

car si elle a beaucoup défriché la dimen-

sion relationnelle et émotionnelle avec

nos externalités numériques, elle peut

contribuer à enrichir la qualité de l’expé-

rience sensible entre l’homme et la

machine.

Quelles sont les voies d’exploration de

ces arts ?

Les arts numériques investissent de

nombreuses voies de recherche à la croi-

séedes arts, des sciences et des technolo-

gies. Avec les technologies de captation,

d’analyse et d’interprétation de données,

les œuvres deviennent autonomes. Elles

peuvent voir, entendre, sentir, réagir et

dialoguer. L’artdevientgénératif, compor-

temental ou encore participatif.

Avec l’art génératif, l’artiste ne crée plus

l’œuvre, mais c’est le processus qui crée

l’œuvre. Par exemple, le compositeur

Roland Cahen a développé un dispositif

qui génère en temps réel unemusique à

partir dedifférents paramètres : les inter-

actions avec le public, les sons captés, les

données provenant de sa mémoire

virtuelle ou du flux d’Internet. L’œuvre

devient une sorte de créature organique,

hybride et connectée, qui absorbe ce qui

vientde sonenvironnement, etqui faitdu

spectateur un élément constitutif de ce

qui lui donne vie. L’artiste devient ici une

sorte de démiurge dont le rôle est d’as-

sembler les bons ingrédients pour que le

système produise une expérience

émotionnelle forte, évolutive.

Grâce à l’intelligence artificielle, l’œuvre

peut également être dotée d’un compor-

tement autonome, d’un « caractère »

propre. Elle peut ainsi analyser un public

ouune situation, et réagir de façon spéci-

fique, personnalisée. Bientôt les environ-

nements intelligents etles objets connec-

tésnous reconnaitrontetanticiperontnos

désirs, nos humeurs.

Quels impacts sur l’économie ?

Ils sont considérables car ces formes

inédites vont renouveler notre rapport au

monde.Au

siècledernier, la convergence

de lamécanisation industrielle et des arts

portait la promesse de rendre « le beau

accessible à tous », en faisant de l’esthé-

tique pour tous un levier d’élévation

humaine. De cette visionest né ledesign,

présent dans tous les foyers.Aujourd’hui,

avec la convergencede la créationnumé-

rique, de la production collaborative

autour des

makers

et du

Do It Yourself

,

chacun de nous va devenir un créateur

producteur. Cettedynamiqueplace l’alté-

rité et l’inter créativité au cœur du jeu

social. Nous allons passer du concept du

beau pour tous à celui du beau par tous.

Cet empowerment pourrait provoquer

une révolution culturelle et économique

d’une intensité sans précédent.

Mais pour que cette fertilisation croisée

puisse s’épanouir, il faut des lieux passe-

relles qui stimulent les échanges et favo-

risent les porosités, les hybridations et les

percolations. Car c’est toujours dans les

interstices, dans la rencontre, que la

nouveauté apparaît, ce que le numérique

permetdedécupler par lesmultiples liens

qu’il permet. C’estunevéritable révolution

culturelle, et je suis souvent étonné du

manque de vision des élites sur ce sujet,

on continue de fonctionner en silo alors

que l’interdisciplinarité et le chaos créatif

sont de puissants moteurs pour l’écono-

mie de demain.

p

« À l’ère de l’économie du savoir,

ce sont les créatifs qui s’en sortiront

lemieux. En sachant tirer pleinement

parti des potentialités du numérique. »

nils aziosmanoff

Nils Aziosmanoff

a démarré son

parcours comme musicien de Jazz

et directeur du Conservatoire de

musique et de danse de Jouy-en-

Josas, spécialisé en micro

informatique musicale qu’il a

notamment enseigné à l’Institut

National de l’Audiovisuel. Il a

également participé à la création

de plusieurs entreprises de

technologies innovantes, a publié

de nombreux articles et anime

deux médias dédiés à la réflexion

prospective sur la société

numérique :

« Les Rendez-vous

du Futur »

et

« La Revue du

Cube »

. Il préside Le Cube, centre

de création numérique, ouvert en

][[\ à Issy-les-Moulineaux,

et qui compte parmi les plus

réputés d’Europe.

Il est intervenu lors des Entretiens

Albert-Kahn du \\ juin ][\`

« L’économie de la connaissance,

une éducation tout au long de la

vie »

.

Cf cahier en ligne sur le site web

des Entretiens Albert-Kahn,

Laboratoire d’innovation publique

du Département des Hauts-de-

Seine.

©DR