Pour la Maîtrise, que va changer cette installation à
La Seinemusicale ?
La première chose : les conditions d’accueil et de travail
des enfants. Nous aurons à notre disposition un équipe-
ment unique au monde pour un chœur d’enfants. Des
espaces à l’acoustique excellente, une grande salle de
répétition avec fosse d’orchestre, à l’égal de l’équipement
scénique d’un théâtre. Nous avons ainsi la capacité de
préparer intégralement nos propres productions au sein
de nos locaux, sans demander aux enfants d’aller répéter
dans les salles de spectacle. Et ce qui change également,
c’est l’univers artistique dans lequel nous allons baigner.
Avec l’orchestre de LaurenceEquilbeyqui ne sera pas très
loin, l’académie de Philippe Jaroussky non plus, ainsi que
tous les acteurs culturelsqui viendrontpetitàpetitrenfor-
cer le dispositif existant.
Comment laMaîtrise est-elle organisée ?
Elle est maintenant composée de douze chœurs, pour
un effectif d’environ cinq cents garçons et filles, lesquels
travaillentchacundeleurcôtépendantuncertainnombre
d’années, pour des raisons principalement vocales. Des
plus jeunes, les « apprentis » qui ont entre 5 et 7 ans,
jusqu’aux chœurs « confirmés » où les enfants peuvent
avoir jusqu’à 14 ans. Ensuite, la deuxième partie de la vie
de la Maîtrise consiste pour les garçons, au moment de
la mue, à rejoindre les ateliers d’art dramatique que nous
avons mis en place spécifiquement pour eux. Il existe en
parallèle un ensemble vocal pour les demoiselles qui ont
entre 16 et 18 ans. Et enfin un chœur de chambre mixte
d’une centaine de chanteurs, Unikanti, composé essen-
tiellementd’ancienspetitschanteursdelaMaîtrisequiont
entre 18 et 25 ans. La Maîtrise est gratuite, le recrutement
des enfants se fait sur audition collective, en présence
des parents. Les critères sont très simples : la motivation
en premier lieu, la vivacité d’esprit qui est déterminante,
des capacités demémorisation importantes du fait que la
plupart ne lisent pas lamusique ; et ensuite, une jolie voix
et une bonne oreille, ça compte aussi…
Quels sont les bénéfices de la pratique musicale pour
les enfants ?
Elleapported’aborduneautonomie, doncune liberté, qui
se construit au fur et àmesure de l’évolution des enfants,
à travers une discipline, indispensable, et la vraie notion
de ce qu’est le travail, comment le fournir et organiser
les efforts. Avec le plaisir qui doit toujours être moteur,
cela les accompagnera toute leur vie, qu’importe leur
parcours. La musique développe également des valeurs
collectivesde solidarité, la capacitéde travailler enéquipe.
L’enfant doit comprendre qu’il a besoin de l’autre. Et cela
bien sûr quel que soit sonmilieu social d’origine.
LaMaîtrise a-t-elle évolué depuis sa création ?
En devenant en 1995 le chœur d’enfants de l’Opéra de
Paris, la Maîtrise des Hauts-de-Seine s’est détachée du
religieux, sans l’exclure, puisque son répertoire se com-
pose dorénavant à soixante-dix pour cent de lyrique.
En accueillant toutes les obédiences, la Maîtrise a réussi
quelque chose de rare dans notre société aujourd’hui :
réunir toutes les chapelles sous une seule, celle de la
musique ! Nous voulons être garants du grand réper-
toire, qui demande des équipes assez lourdes et que peu
de structures sont capables de porter aujourd’hui. L’une
de nos spécialités est également de former des solistes
enfants pour l’opéra, Yniold dans le
Pelléas
de Debussy,
Miles et Flora dans
Le Tour d’écrou
de Britten, le trio de
LaFlûte enchantée
…Ainsi quedans les oratorios, oùbeau-
coup d’airs qui étaient composés pour des enfants ont
progressivement glissé vers les voix de jeunes femmes
ou d’altos adultes. Or la voix d’enfant est irremplaçable
dans la transmission de l’émotion, et c’est ce que nous
recherchons avant tout à laMaîtrise. La création contem-
poraine fait également partie de nos chevaux de bataille.
La grande vertu de La Seine musicale, avec le soutien
majeur du Département et de son président, c’est avant
tout une vision : si l’on voulait avoir une formation
vocale de qualité pour les enfants, il était nécessaire à
un moment donné de mettre un outil exceptionnel à la
disposition de ce chœur. Avec La Seine Musicale, cela va
au-delà demes rêves !
Comment convaincre lepublicque lamusique classique
n’est pas réservée à une élite ?
Il faut oser le classique ! Oser aller en écouter de façon
vivante : tous ceuxqui prennentle«risque»sontconquis.
L’opéra à la télé, les concerts à la télé, c’est ennuyeux, sauf
pour les spécialistes. Tout évolue, il y a une prise de
conscience des professionnels pour rendre la musique
plus faciled’accès et plus intéressante àdécouvrir. C’est ce
que propose Insula orchestra et ce que nous essayons de
faire avec nos spectacles.
Propos recueillis par Didier Lamare
Premier concert en avril :
La Belle Hélène
d’Offenbach,
avec le chœur de chambreUnikanti et lamezzo-soprano
Alix Le Saux, jeune « ancienne » de laMaîtrise.
« En accueillant toutes les obédiences,
laMaîtrise a réussi quelque chose de rare
dans notre société aujourd’hui :
réunir toutes les chapelles sous une seule,
celle de la musique. »
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