43
Cette réappropriation de ses grands moments passe
notamment par des acquisitions emblématiques…
La politique d’acquisition dumusée duDomaine dépar-
temental se concentre désormais sur le retour d’objets
ou d’œuvres en relation avec les différents propriétaires
des lieux. Il y a trois raisons à cela : la première est que
le musée ne saurait absorber tout ce qui peut concerner
ou représenter, de façon pertinente, l’identité d’une
région telle que l’Île-de-France. La deuxième est que
Sceaux est avant tout, en soi, un lieu historique et patri-
monial. De ce point de vue, la restitution des broderies
de buis, inspirée de Le Nôtre, au pied de la façade ouest
du château, en 2013, a constitué un a e fort dont l’effet
immédiat fut de recréer le lien perdu entre l’édifice –qui
justement n’est pas qu’un « bâtiment » – et le parc – qui
n’estpas qu’un« espace vert ». La troisième raison, enfin,
est que le public préfère visiter des lieux habités plutôt
que des galeries où s’alignent desœuvres dont la présence
y est plus ou moins contingente. Plusieurs acquisitions
assez spe aculaires ont permis cette conversion néces-
saire, comme celles de
La Leçon d’astronomie
de la
duchesse du Maine, du grand
Portrait du duc du Maine
et du
Festin de Didon et Enée
, trois chefs-d’œuvre du
peintre François de Troy, autrefois à Sceaux et acquis
respe ivement en 1988, 1995 et 2008 ; tel aussi l’achat, en
2005, de la magnifique commode de Bernard II van
Risamburgh, et de beaucoup d’autres œuvres entrées
depuis 2010 dans les colle ions : une rare fontaine à
parfum de la duchesse du Maine ; une table à transfor-
mation de Jean-Pierre Latz, ayant appartenu au duc de
Penthièvre; plusieurs pièces de céramique de l’ancienne
fabrique locale…
En 2010, leDépartement a créé un nouveau lieu d’expo-
sition, auPetit Château, consacré au« dessin français ».
Le retour du Petit Château dans le giron du musée, en
2010, s’est opéré sur la base d’un projet singulier
consistant à présenter – dans le bâtiment le plus ancien
du domaine – des expositions temporaires de dessins
français, montées en partenariat avec de grandes collec-
tions régionales. Pourquoi « français » ? Parce que Sceaux
–où s’arrêtèrent notamment les ambassadeurs du Siam
après avoir rencontré Louis XIV à Versailles, ou encore
Pierre leGrand, « tsar de toutes les Russies » –fut unhaut
lieu de création et de diffusion de la culture française.
Et pourquoi avec desmusées de province ? Parce que cela
permet un échange particulièrement équitable : lemusée
invité trouve à se signaler hautement à proximité de Paris,
tandis que les coûts de produ ion se trouvent considé-
rablement réduits. Fairemieux avecmoins d’argent, tout
l’enjeu est là. Un seul transport et une même scéno-
graphie ont ainsi permis d’inviter le musée Ingres de
Montauban (63 dessins dugrandmaître furent présentés),
les trésors de la colle ion Adrien (50 feuilles), le musée
des Beaux-Arts d’Angers (100 dessins), la Manufa ure
de Sèvres, peu éloignée il est vrai (61 esquisses de
Desportes), et, à partir de septembre prochain, lemusée
des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon. Outre cela,
le Petit Château présente en alternance des expositions
valorisant les colle ions d’arts graphiques de notre
musée, telles celles qui furent consacrées à Auguste
Lepère ou à Jean Fautrier. En quelques années, le Petit
Château estdevenu un lieu de référence en lamatière…
Sceaux accueille desmillions de visiteurs chaque année,
il faut donc faire vivre le domaine et proposer des
manifestations. Quelle est la politique en la matière
du Département ?
Un domaine comme celui de Sceaux, quelle que soit la
beauté de son parc et de son château, ne peut vivre dans
une sorte d’infinie suspension du temps. Il faut l’habiter
intelle uellement et émotionnellement. C’estpourquoi,
outre la tenue d’expositions temporaires, le musée
organise diversesmanifestations artistiques à destination
du plus large public, et notamment les Petites Nuits de
Sceaux, en écho aux Grandes Nuits données par la
duchesse du Maine en 1714 et 1715. Il s’agit d’un rendez-
vous devenu mensuel, programmé en saison – de
septembre à juin –et offrant une alternance de concerts,
interventions théâtrales ou divertissements, dont l’éclec-
tisme appelle une mobilité d’esprit propice à un délec-
table dépassement de soi. L’une des cara éristiques des
Petites Nuits est de couvrir un éventail très large de
pratiques, de dimensions variables, et de s’adresser ainsi
à des publics très divers. La fête de la musique, par
exemple, sera cette année une Petite Nuit – en l’occur-
rence la plus longue de l’année ! Ce 21 juin, six bosquets
du parc accueilleront les élèves des conservatoires du sud
du Département et permettront aux visiteurs une libre
déambulation dans le parc, pon uée de rendez-vous
musicaux répondant à tous les goûts… Le grand bal
barock (!)
Bergères Party
, donné lors de laNuit Européenne
des Musées, le 21 mai dernier, est un autre exemple de
cet écle isme. Demême le pique-nique impressionniste
du 5 juin correspond à notre volonté d’organiser des
manifestations que le public puisse désormais s’appro-
prier dans l’esprit festif qui fut autrefois la marque du
domaine de Sceaux.
n
« Un art de vivre mêlant harmonieusement
nature et culture. C’est cette marque séculaire
qu’il convient aujourd’hui de réveiller. »
« Un domaine comme celui de Sceaux,
quelle que soit la beauté de son parc et de
son château, ne peut vivre dans une sorte
d’infinie suspension du temps. »