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lequel Chateaubriand s’était lié d’amitié à Rome quelques

années plus tôt, passa commande à Girodet du tableau,

vite célèbre, d’

Atala au tombeau

. Guérin en a-t-il nourri

quelque dépit ? Il n’a, en tout cas, pas terminé sonœuvre,

renvoyant alors expressément Chateaubriand vers

« le

peintre de sa Vierge américaine »

– un peintre qui était au

demeurant un grand lettré, et dont l’itinéraire politique

présentait par surcroît quelque similitude avec celui suivi

par Chateaubriand.

Les premières séances de pose pour le visage eurent

vraisemblablement lieu peu après le retour de Chateau-

briand deTerre Sainte : son teint très bronzé, attesté par

plusieurs contemporains, explique que Girodet le fit

sombre, comme le relevèrent tous les commentateurs :

« Il le fit noir comme j’étais alors »

, écrivit bien plus tard

Chateaubriand. Le tableau put être contemplé dans

l’atelier du peintre dès le mois de mai 1810 ; mais une

correction apportée par Chateaubriand, en toute dernière

minute, à la première édition de son épopée des

Martyrs

,

suggère que la peinture était achevée en février-mars

1809 –qui estd’ailleurs lemillésime indiqué plus tard par

Girodet lui-même pour cette œuvre.

Un dessin conservé à la Maison de Chateaubriand

montre que Girodet avait dans un premier temps envi-

sagé de représenter Chateaubriand assis, au milieu de

ruines, près d’unestèle. Il a ensuite abandonné ce projet,

qui par parenthèse l’apparentait à la figuration retenue

par Guérin, pour présenter Chateaubriand debout, légè-

rement « hanché », dans une pose qui trouve une loin-

taine inspiration dans le

Satyre au repos

de Praxitèle, ce

qui n’est pas sans ironie, mais Girodet y avait déjà eu

recours en 1797 pour une représentation du député de

Saint-Domingue, Jean-Baptiste Belley.

L’arrière-plan romain, que Girodet avait pu observer sur

place, et que Chateaubriand avait décrit dans sa

Lettre sur

la campagne romaine

(1804), estfiguré avec une très grande

précision, et suggère au moins deux interprétations de

la peinture. Représenté sans attribut particulier, habillé à

la mode du temps, Chateaubriand peut tout aussi bien

méditer la vanité des choses du monde (thème de sa

Lettre

) qu’avoir les yeux tournés vers l’avenir, au-delà de

l’Empire dont les ruines romaines en arrière-plan préfi-

gureraient la disparition : la réalisation du tableau est

en effet postérieure au fameux article du

Mercure de France

qui comparait l’Empereur à Néron, et le menaçait d’un

nouveau Tacite

« chargé de la vengeance des peuples ».

« Malheureusement je n’ai pas l’art

de M. Girodet, et tandis qu’il embellit

mes peintures, j’ai bien peur de gâter

les siennes »

Le 16 septembre dernier,

à la Maison de

Chateaubriand, Patrick

Devedjian, président du

conseil départemental,

dévoile en compagnie de

Bernard Degout, directeur

de la Maison, et de Sidonie

Lemeux-Fraitot, spécialiste

du peintre Girodet,

l’acquisition par le

Département, pour une

somme de 425 000 €, du

portrait de Chateaubriand

peint par Girodet.

châtenay-

malabry

Vallée-aux-Loups

© CD92/Willy Labre