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La Rotonde au
parquet unique de
Jacob-Demalter.
avait établi dans le sous-sol douze grands
poêles alimentés au charbon. On entrait
par lemilieu du bâtiment dans une sorte
de vestibule agrémenté d’un bassin
alimenté par une fontaine formée par un
satyre assis sur une outre d’où s’échappait
l’eau ; de là on accédait de chaque côté
aux serres adossées sur le bâtiment dans
lequel Berthault aménagea en 1807 les
salons de réceptionqui étaient composés
du salon de la serre et de la galerie.
Le salon, dit aussi salonde stuc, mesurait
12,60 mètres de long sur 4,80 mètres
de large et était terminé par une sorte
d’exèdre semi-circulaire garnie d’un
canapé épousant la forme du mur. On
avait fait appel aux meilleurs artisans
pour décorer la pièce : la maison Jacob-
Desmalter avait fourni les portes et le
parquet d’acajou incrusté d’ébène, le
marbrier Claude-François Gilet était
l’auteur de la frise de marbre blanc et
bleu turquin, et tous les décors peints,
dont le plafond, avaient été confiés à
Étienne Dubois et Antoine-Ferdinand
Redouté, frère du fameux peintre de
fleurs de l’Impératrice. Face à l’exèdre,
une statue d’hermaphrodite en marbre
blanc, était encadrée par deux magni-
fiques colonnes en brèche violette qui
provenaient du tombeau de Nicolas IV
deNeufville érigé vers 1630 dans l’église
deMagny-en-Vexin. Au centre du salon,
trônait une statue de François-Joseph
Bosio représentant
L’Amour lançant ses
traits et s’envolant
, livrée en 1812 et
témoignage du comte de la garde-
chambonas (« mémoires »)
« Elle nous fit parcourir ses magnifiques serres, nous
y nommant ces plantes rares que l’art et la patience
de l’homme font végéter dans nos climats. “
Voici
l’hortensia qui vient tout récemment d’emprunter
le nom de ma fille... mais voici ma conquête à moi
en nous montrant son beau jardin de la Martinique ;
la graine semée et cultivée par moi me rappelle mon
pays; mon enfance et mes parures de jeunes filles”,
et, en vérité, en disant cela, sa voix de créole semblait
une musique pleine d’expression et de tendresse. »
aujourd’hui conservé au musée de
l’Ermitage à Saint-Pétersbourg ; le
musée de Malmaison a pu acquérir en
2011 un plâtre teinté qui est peut-être
celui exposé au Salon de 1808.
Ce salon était prolongé par la galerie de
la serre, longue de dix-sept mètres et
large de cinq. Elle servait à la fois de serre
tempérée, d’espace de réception et de
lieu d’exposition pour le surplus des
collections de Joséphine comme 175
vases grecs, sept statues demarbre blanc,
huit colonnes de granit et une grande
vasque de marbre blanc ; tout autour de
la galerie courent sept bas-reliefs en
plâtre bronzé qui sont les plus anciens
moulages connus de métopes du
Parthénon d’Athènes, précieux témoi-
gnages des originaux parvenus jusqu’à
nous très érodés par la pollution.
napoléon iii n’a de cesse
d’acheter le domaine
Après la mort de Joséphine en 1814, son
fils et héritier, le prince Eugène de
Beauharnais, tenta demaintenir la serre
en l’état coûte que coûte, mais lorsqu’il
disparut lui-même en 1824, onne fit plus
aucun travaux d’entretien si bien qu’il
fallut se résoudre en 1827 à démolir les
parties vitrées adossées aux salons.
Malmaisonestvenduen1828aubanquier
d’origine suédoise, Jonas Hagerman. Il
transforme assez sérieusement le salon
de stuc en le divisant en trois pièces, la
partie centrale étant flanquée de deux
petits salons richement décorés dans un
style néo-classique hérité du Premier
Empire.
En 1842, la propriété est achetée par la
reineMarie-Christine d’Espagne, veuve
du roi Ferdinand VII, remariée à un
garde du corps qui sera fait duc de
Riansarès. Aménagé en habitation et
désormais appelé le petit château, la
reine loge dans le bâtiment quelques-
uns des sept enfants issus de son second
mariage. Mais devenu empereur,
Napoléon III n’a de cesse que d’acheter
le domaine où il avait vécu jusqu’à l’âge
de six chez sa grand-mère, l’impératrice
Joséphine. Devenu enfin propriétaire en
1861, il affecte le petit château à l’habi-
tation du commandantmilitaire, Pierre-
Rémy Darrigade qui y reste jusqu’à la
chute de l’Empire en septembre 1870.
L’État se dessaisit du domaine en 1877 et
le nouvel acquéreur en commence le
lotissement. Dès l’année suivante le lot
du petit château est acheté parM
me
veuve
Doria et son histoire est désormais
dissociée de celle du reste du domaine.
En 1887, M
me
Doria est contrainte de
vendre la Petite Malmaison à Pascal de
Bourbon-Sicile comte de Bari qui y
meurt le 21 décembre 1904 ; sa veuve,
née Blanche de Marconnay, vend la
propriété en 1910 à Marcel Chabrières
qui la garde jusqu’en 1949. Au début du
XX
e
siècle, il ajoute une petite aile en
retour dans laquelle est installée une
sorte de salle à manger à l’antique dont
les peintures murales s’inspirent de la
salle àmanger du château. C’est en 1949
que le père du propriétaire actuel, le
comte Czarnecki, se rend acquéreur de
la propriété que continue d’entretenir la
famille.
n
©CD92/WillyLabre
À lire de bernard
Chevallier :
Joséphine
impératrice
, Éditions
du Chêne, ][\_.