Revue Vallée de la Culture n°8 - page 78

Sèvres
un homme, un Lieu
Les Jardies à Sèvres, une maison qui est un
héros de roman : sans apparence ni caractère,
devant tout à sa situation, qui est remarquable,
à ses occupants qui furent célèbres et plus
encore qu’à ses occupants eux-mêmes, à leurs
illusions, qui ont été grandioses.
ette maison, au lieu-dit « les
Jardies », entre dans l’histoire
par l’histoire littéraire : Balzac
en fait l’acquisition un jour de
septembre 1837. Il cherche autour de
Paris un refuge contre les créanciers qui
le harcèlent ; six ans plus tôt, il avait été
àVille-d’Avray l’hôte d’Olympe Pélissier,
la future madame Rossini, et ce bout du
monde si près de la capitale l’avait séduit.
Ce sont ses amis Guidoboni-Visconti qui
lui avancent l’argent nécessaire, dont
il n’a bien sûr pas le premier sou : il les
remboursera au centuple, en les intéres-
sant à son projet grandiose, qui est de
faire des Jardies rien de moins qu’une
plantation d’ananas. Le fruit est à la
mode, mais rare et lointain, donc cher ;
la plus grande fortune est promise à qui
saura l’acclimater aux portes de Paris.
Une plantation d’ananas
Pendant que pousseront ses ananas,
Balzac trouvera dans sa retraite la tran-
quillité féconde dont il a besoin. Comme
le théâtre de ses veilles exige un décor
magnifique, il n’aura de cesse d’embellir
samaison par d’incessants travaux, qu’il
supervise, et d’agrandir sondomaine par
l’acquisition de nouveaux terrains. C’est
qu’il compte s’installer là
« pour long-
temps »
:
« Le bâton de perroquet sur lequel
je suis perché,
écrit-il à Zulma Carraud
, le
jardinet et le bâtiment des communs, tout
est situé au milieu de la vallée de Ville-
d’Avray, mais sur la commune de Sèvres,
côte à côte avec l’embarcadère du chemin de
fer de Versailles, sur le revers du parc de
Saint-Cloud, mi-côte, aumidi, la plus belle
vue dumonde, une pompe que doivent enve-
lopper des clématites et autres plantes grim-
pantes, une jolie source, le futur monde de
mes fleurs, le silence et quarante-cinq mille
francs de dettes de plus ! »
On trouve dans les
Mémoires de deux
jeunesmariées
une transposition idyllique
des Jardies :
« J’ai fait acheter, il y a deux
ans, au-dessus des étangs de Ville-d’Avray,
c
BALZAC
Par Philippe Barthelet
Écrivain
GAMBETTA
ET
CHASSÉ-CROISÉ AUX JARDIES
©RuedesArchives /TheGrangerCollectionNYC
©RuedesArchives/CollectionGregoire
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