Revue Vallée de la Culture n°8 - page 61

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Qu’entendez-vous par bien-être social ?
ÀMôm’artre,onconçoitlaculturecomme
un vecteur éducatif et un tremplin. La
culturepermetde lutter contre l’exclusion
etdedésenclaverlesterritoires.Dansnotre
cas, lebien-être social a commefinalité le
développement de l’enfant.
Môm’artre a fait le choix d’une approche
globale. C’est un lieu de quartier dans
lequel on répond à plusieurs besoins.
D’abord la garde d’enfants (6-11 ans),
mais aussi la pratique artistique. Notre
idée est d’allier les arts et la culture. Par
exemple, lorsque l’onorganise une sortie
avec les enfants, on poursuit l’échange
derrière en les amenant à peindre, dessi-
ner, inventer autour de l’expositionoudu
spectacle en question.
Autonomie, expression, confiance en soi,
vivre-ensemble : telles sont les valeurs
essentielles que nous souhaitons pro-
mouvoir Nos services touchent toutes
les classes socialesmême si l’art fait par-
fois peur aux familles les plus populaires.
Notre proposition complète « après
l’école »qui intègre, entre autres, la sortie
d’école et l’aide aux devoirs nous permet
de parvenir à une vraiemixité sociale.
On associe les parents, en leur deman-
dant d’adhérer à notre association et de
participer aux vernissages. Contrai-
rement à l’école, ils entrent dans le local
quand ils viennent chercher leur enfant
et un animateur dit « papillon » est là
pour les accueillir et faire la transmission,
le relais entre l’école et lamaison.
Quelle est la contribution de la culture ?
On a fait le choix de recruter des artistes
qui ont fait des écoles d’arts plastiques,
demusique, etc. Ils accueillent et jouent
un rôle de transmission. On cherche à
développer l’imaginaire des enfants. On
complète le dispositif pédagogique avec
un taux d’encadrement important qui
inclut des bénévoles, des retraités, des
jeunes du service civique, etc.
Chaque projet artistique dure environ
huit semaines. L’enfant doit faire un
choix parmi deux ou trois projets avec
vernissage à la fin du projet. Cela permet
de valoriser l’enfant, mais aussi souvent
cela a pour effet de conforter les parents.
La culture est essentielle à la construc-
tionde la personnalité. Plus on intervient
tôt, plus on est créatif, plus on s’intègre
et plus on a de chances de s’en sortir.
Dans les entreprises d’insertion, les per-
sonnes éloignées de l’emploi manquent
souvent d’autonomie, de confiance en
elles. Leur formation, leur parcours ne
leur ont pas donné les conditions néces-
saires pour développer ces aptitudes.Tous
les scientifiques ontmontréque la culture
favorise laprisede recul, permetdemieux
décoder.De faitcette culturepeutamener
à des lectures différentes et à enrichir la
réflexion générale et l’analyse.
Celame paraît essentiel d’être populaire
et accessible. Aujourd’hui encore, seuls
10 à 20%des jeunes ont accès à l’art alors
que presque toutes les collectivités sont
dotées d’équipement culturel. À plus
grande échelle, la question qui se pose
est comment l’art peut aller vers le public.
L’art doit sortir des sentiers battus. Avec
la ville de Paris, nous étudions lamanière
de rendre plus artistique les lieux de vie.
La culture est, selonmoi, une forme d’in-
vestissement social et humain.
Quels freins à lever ?
Il y a des déserts culturels en France et
une forte concentration géographique
de la culture (ville
vs
campagne). Malgré
une offre culturelle importante, cela ne
résout pas le problème et il existe encore
de nombreuses inégalités.
Il n’y a pas assez de concertation entre
les politiques publiques et les acteurs en
général. Peut-être y a-t-il trop d’offre
dans les programmations culturelles et
pas assez dans les pratiques culturelles ?
Pour libérer tout cela, il faut favoriser les
métiers d’animation, les reconnaître sans
forcément mieux les rémunérer. Il est
important de renforcer la formation et
l’accompagnement des animateurs. Il
faut réduire la précarité des personnes
qui se sont formées aux métiers d’art et
qui n’ont pas de débouchés.
Un autre frein à lever est celui des locaux.
Accéder à des locaux est difficile alors
qu’on sait qu’il existe grandnombre d’es-
paces vides. Il faut décloisonner pour
trouver des solutions innovantes. Par
exemple, imaginer une activité dans des
équipementspublicsaprèsleursheuresde
fermeture, dans les maisons de retraite,
etc. Il fauttrouverdes solutionsmobiles et
polyvalentes, mutualiser les moyens. À
Bohpal enInde,unentrepreneuraccueille
lesenfantsdesruesdanslesmusées!C’est
une très bonne idée.
Propos recueillis par
Carine Dartiguepeyrou
« LA CULTURE CONTRIBUE AU BIEN-ÊTRE SOCIAL »
Chantal Mainguené est la fondatrice et responsable
du développement deMôm’artre, une structure qui a
réinventé le mode de garde des enfants, notamment
par une ouverture artistique.
CHANTALMAINGUENÉ
©CG92/OlivierRavoire
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