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archÉologie
Issy-les-Moulineaux
La morphologie de la bouterolle d’Issy-
Les-Moulineaux se rapporte à un type
assez répandu dans le courant du iii
e
siècle avant notre ère. Au droit du four-
reau, seule l’une des deux pinces est con-
servée. Sa forme nettement circulaire
correspond au schéma classique de
l’époque tandis que la frette rectiligne du
revers ne contredit pas cette attribution.
L’absence de l’extrémité distale constitue
un inconvénient majeur dans la déter-
mination précise de cette arme. Cepen-
dant, la convergence des bords permet
de supposer que la bouterolle atteignait
une longueur comprise entre 150 et
200 mm et qu’elle présentait proba-
blement une extrémité triangulaire.
Aperçu du second âge du Fer dans
les Hauts-de-Seine.
Le second âge du Fer, ou période de La
Tène, est encore peu connu dans les
Hauts-de-Seine et l’état de la documen-
tation est très variable. Cette période, qui
couvre globalement les cinq derniers
siècles avant notre ère livre certes des
vestiges variés,mais rares sont encore les
ensembles strictement contemporains
et plus encore les occupations synch-
rones. Un rapide inventaire fait appa-
raître les traces d’occupations de
Bagneux comme les plus anciennes du
département pour la période considérée.
Documentées par un silo et les restes des
céramiques qui y avaient été rejetées,
elles relèvent en effet du iV
e
siècle avant
notre ère, et participaient d’un petit
établissement rural. Il s’agit de telle sorte
de l’un des rares témoignages d’occupa-
tions domestiques de cette période, non
seulement dans le département mais
aussi à l’échelle de la Petite couronne
parisienne. De fait, lamajeure partie des
sites contemporains ou légèrement pos-
térieurs est de nature funéraire. On citera
ainsi la nécropole de la Côte d’Autille
découverte en 1899 à Nanterre (Hubert
1902), qui livra les restes d’un char gau-
lois aujourd’hui conservé auMusée d’Ar-
chéologie Nationale de Saint-Germain-
en-Laye. Une seconde nécropole a été
découverte au sud-ouest de la précé-
dente, en bordure de l’A86, à l’angle de
l’avenue JulesQuentin (Viand 2008). Ces
deux ensembles paraissent devoir être
situés dans le courant du iii
e
siècle avant
notre ère, plus précisément dans sa
première moitié. En ce sens, ils appa-
raissent comme contemporains de
l’arme d’Issy-les-Moulineaux. Les autres
occupations du second âge du Fer du
département paraissent pour l’heure
toutes plus tardives. L’agglomération
gauloise et les sépultures de l’avenue
Lénine à Nanterre, mais aussi la ferme
du parc Sainte-Geneviève à Rueil-
Malmaison illustrent un territoire plus
densément occupé à partir du ii
e
siècle
avant notre ère, essentiellement rural
certes, mais déjà partiellement urbanisé.
L’arme d’Issy-les-Moulineaux dans
son contexte.
Les restes de l’épée et du fourreau d’Issy-
les-Moulineaux viennent accroître le
corpus des ensembles funéraires du iii
e
siècle avant notre ère sur le territoire des
Parisii, peuple qui occupait alors la zone
centrale de l’Île-de-France. Il est en effet
très vraisemblable que cette arme soit
issue d’une sépulture, les objets de ce
type étant très rares en contextes domes-
tiques, et ces derniers très peunombreux
sur le territoire considéré. L’hypothèse
d’un dépôt cultuel dans l’enceinte d’un
sanctuaire ou d’un trophée militaire
semble également devoir être écartée,
aucun vestige comparable n’ayant été
observé lors cette intervention. Enfin, la
réoccupation de zones funéraires est un
phénomène fréquemment observé,
susceptible de s’inscrire très nettement
dans la diachronie.
Au iii
e
siècle avant notre ère, les nécro-
poles des Parisii sont de façon générale
assez standardisées. Elles regroupent
vingt à trente individus en moyenne,
inhumés sur le dos en linceul ou en
contenant rigide périssable (cercueil,
coffrage, tronc évidé). Le plus souvent,
les défunts sont accompagnés de fibules,
agrafes articulées en fer permettant de
fermer les vêtements ou, le cas échéant,
le linceul funéraire. Si les tombes fémi-
nines comportent parfois des parures
annulaires (torques, bracelets), les tom-
bes masculines livrent régulièrement
©ServicearchéologiquedépartementaldesHauts-de-Seine /CG92 /2010
des armes (épées, lances, boucliers). Plus
rarement, ces nécropoles livrent des
tombes particulièrement bien dotées,
recelant un char à deux roues.
Toutefois, de rares ensembles funé-
raires font exception à ces normes, parti-
culièrement à Bobigny (Seine-Saint-
Denis) et à Saint-Maur-des-Fossés (Val-
de-Marne) où le nombre de sépultures
est notablement plus élevé etlafréquen-
tationbeaucoupplus longue.
Au regard de la documentation funé-
raire réunie à l’échelle régionale et avec
toutes les réserves qu’imposent les cir-
constances de la découverte, il est donc
possible que le fourreaud’épée d’Issy-les-
Moulineaux ait été déposé dans une
tombe masculine datable du iii
e
siècle
avant notre ère, au sein d’une petite né-
cropole communautaire d’une trentaine
d’individus.
Conclusion
Environ quarante-cinq ans après samise
au jour, ce fragment d’arme gauloise
permet ainsi d’aborder l’occupation an-
Bouterolle
Pièces de suspension
(pontet)
Gouttières
A. Tôle revers
B. Tôle avers
C. Tôles assemblées
A
B
C
A.VIAND /CG92 / 2012
Le Plessis-Gassot
Bouqueval
Roissy
Nanterre
Argenteuil
Bobigny
Saint-Maur
des-Fossés
Issy
les-Moulineaux
Rungis
Valenton
Pontault-
Combault
Orly
Epiais-les-Louvres
Dampmart
Crosnes
Pierrelaye
Nanterre
Paris ?
Le Blanc-Mesnil
Gonesse
Nécropoles et sépultures de la fin du IVe et du IIIe siècle
avant notre ère découvertes sur le territoire des Parisii.
A. VIAND / CG92 / 2012
0
10
20 km
©A.VIAND /servicearchéologiquedépartementaldesHauts-de-Seine /CG92 /2012
cienne d’Issy-les-Moulineaux sous un éclai-
rage nouveau.
Il convient non seulement d’envisager la
présence d’une nécropole du second âge du
Fer aux abords de la rue Séverine,mais égale-
ment celle d’une occupation domestique. En
outre, la localisation de cet ensemble funé-
raire, et sa réoccupation au Bas-Empire con-
duisent à reconsidérer l’ancienneté sinon de
la totalité de l’axe Lutèce-Durocassie (Paris-
Dreux), du moins du tronçon aujourd’hui
matérialisé par la rue Ernest Renan.
En effet, cette voie n’apparaît pas sur laTable
de Peutinger, aperçu cartographique du
début de l’Antiquité recopié auMoyen-Âge,
tandis que l’itinéraire est mentionné dans
l’Itinéraire d’Antonin (
Itinerarium Provin-
ciarumOmniumImperatorisAntoniniAugusti
),
plus tardif.
Si l’on considère que les sépultures observées
en 1967 se situaient à une profondeur de 1,50
à 3 mètres sous les niveaux actuels et que la
nécropole s’étend au-delà de l’emprise
détruite alors, il est probable que d’autres
sépultures soient préservées dans les par-
celles voisines.
« Les problématiques locales ainsi profondément
renouvelées, soulignent la nécessité d’intégrer la
dimension archéologique aux projets d’aménagement,
particulièrement dans certains secteurs.»
Répartition des
nécropoles de la fin
du IV
e
et du III
e
siècle
sur le territoire des
Parisii.
©A.VIAND /servicearchéologiquedépartementaldesHauts-de-Seine /CG92 /2012
À SAVOIR
ORIENTATION
BIBLIOGRAPHIQUE
Becchia GOMM
: BECCHIA (A.) – I
ssy-les-
Moulineaux : Histoire d’une commune
suburbaine de Paris
, 1977, p. 14-15.
Fleury GOMF
: FLEURY (M.) – Informations
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Moulineaux,
Gallia
, 1970, t.XXVIII, fasc. 2,
p. 239-240.
Hubert GOFH
: HUBERT (H.) – « La tombe à char
de Nanterre », dans
Congrès International
d'Anthropologie et d'Archéologie Préhistorique
,
Compte rendu de la deuxième session,
éd. Masson et Cie, Paris, 1902, p. 410-417.
Lebeuf GMKM
: LEBEUF (Abbé) –
Histoire du
diocèse de Paris
, tome VII, 1757, p. 12.
Viand HFFN
: VIAND (A) [dir.] -–
Nanterre et les
Parisii
. Catalogue d’exposition. Nanterre, Espace
Paul-Éluard, 11 avril-14 juin 2008, Somogy, Paris,
2008.
Le fragment de
fourreau en fer
avant restauration.
Relevé du fragment
de fourreau.
Morphologie d’un
fourreau d’épée.
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