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Nanterre
premier épisode, René Rémond ne fuit
pas ses responsabilités et se heurte vio-
lemment à un groupe le 2mai 1968 alors
que jusque-là il avait réussi à repousser
les perturbateurs hors de ses cours. Cet
événement est un des éléments qui
poussent à la fermeture de la faculté des
lettres de Nanterre ce même jour et qui
contribue au déplacement de la contes-
tation vers la Sorbonne.
Retenu en Italie pour un cycle de con-
férences jusqu’au 18 mai 1968, René
Rémond s’investit à son retour dans la
mise en place d’institutions provisoires
audépartement d’histoire en accord avec
le doyen Pierre Grappin. Il est alors
désigné comme directeur de ce dépar-
tement jusqu’en mars 1969. Dans le
même temps et en raison de sa grande
capacité de conciliation et de ses talents
de négociateur, il est porté en janvier
1969, à la tête de la commission chargée
d’organiser les élections des conseilsmis
en place par la réforme d’Edgar Faure.
En avril 1969, Paul Ricœur est élu doyen
de la faculté des lettres de Nanterre et
René Rémond devient son assesseur.
Mai 68 à Nanterre en première ligne
Sa notoriété dans les années soixante-
dix, René Rémond la doit également à
l’exercice périlleux de la présidence de la
nouvelle université deNanterre. C’est en
effet, en octobre 1964 que s’ouvre sur les
terrains de l’ancien campmilitaire de
La
Folie
, la faculté des lettres de Nanterre,
annexe de celle de la Sorbonne. René
Rémond fait partie des premiers ensei-
gnants à rejoindre cette faculté nouvelle
et y est élu professeur dès 1965. Il est
l’un des deux fondateurs, avec François
Crouzet, du département d’histoire.
Ainsi,
« avoir fait le choix de Nanterre
positionne René Rémond, à l’échelle de
l’Université française, parmi les enseignants
libéraux et modernisateurs »
(Charles
Mercier). Il s’inscrit dans un courant de
modernisation de l’enseignement qui
opte pour une pédagogie innovante, en
privilégiant les travaux pratiques en
petits groupes ou en participant à l’ins-
tauration du contrôle continu avant 1968
au département d’histoire.
Néanmoins, c’est àNanterre que la con-
testation étudiante voit le jour à travers
le « mouvement du 22 mars ». Lors du
de promouvoir l’histoire immédiate
(
Plaidoyer pour une histoire délaissée
, 1957).
Ne choisit-il pas comme thème de son
séminaire de licence à la rentrée de 1968
« Comment naissent les révolutions ?
Comment meurent les régimes ? »
Pour
lui, le recul du temps n’est aucunement
une garantie d’objectivité. Il s’associera
ainsi à la création en 1978 de l’Institut
d’histoire du temps présent qu’il préside
à ses débuts.
Cependant, c’est un essai historique qui
assure sa réputation par-delà les années.
Il l’a écrit presque pour se reposer de sa
thèse lors de trois périodes de vacances
estivales. Cette étude sur
La droite en
France de 1815 à nos jours
, publiée en 1954,
tente de reconstituer la filiation de plu-
sieurs traditions politiques (la légitimiste,
la bonapartiste et l’orléaniste), incarnées
dans trois familles qui ne sont unies que
contre des adversaires communs. Dès sa
parution, elle connaît un succès reten-
tissant, devenant un ouvrage de réfé-
rence pour des générations d’étudiants
dans ses diverses rééditions et mises à
jour.
La période est éprouvante et à la suite
d’un conflit lié aux conditions du main-
tien de l’ordre sur le campus, Paul
Ricœur démissionne à la mi-mars 1970.
Une crise de deuxmois s’ouvre pendant
laquelle René Rémond refuse de céder
sur les conditions de reprise du décanat
(liberté de choix de ses collaborateurs,
obtention d’unemajorité des deux tiers).
Dernier Doyen de la faculté, il devient le
27 février 1971, le premier président de
la nouvelle université de Paris X –
Nanterre. C’est dans l’exercice de ces
fonctions que la méthode Rémond
prend toute sa dimension. Pour s’en
convaincre il suffit d’en lire le récit dans
La règle et le consentement
publié en
1979. En premier lieu, René Rémond fait
une lecture « présidentialiste » de la loi
portant réforme des universités (loi
Faure), mais il ne confisque pas les pou-
voirs à son usage propre puisque depuis
son décanat il amis en place une équipe
de direction. Cette dernière se réunit
toutes les semaines et est chargée de
l’éclairer par la confrontation des avis.
Chaque membre de l’équipe se voit
confier un domaine de responsabilité
(études, domaines et locaux, informa-
tion, etc.) et assure une permanence à la
présidence une fois par semaine.
Secondé par Philippe Vigier,
« autre lui-
même »
selon Jean-Jacques Becker, et par
Jean-Maurice Verdier, René Rémond
défend ses prérogatives, notamment
face aux forces centrifuges exercées
par les Unités d'Enseignement et de
Recherche. Il doit également veiller au
respect de l'autonomie de l'Université
par l'administration centrale du minis-
tère de l'Enseignement supérieur.
La politique qu’il met en œuvre est des-
tinée à assurer le rayonnement de Paris
X pour en faire l'une des toutes pre-
mières universités françaises. Pour cela
il fait le choix de l'innovation : dévelop-
pement de la formation permanente,
mise en place de nouvelles filières
offrant plus de débouchés aux diplômés
avec notamment la préfiguration des
langues étrangères appliquées.
Conscient que la réputation d'une uni-
versité passe également par la recherche,
il n'a de cesse de la promouvoir. Son
action ne se limite pas au campus de
Nanterre puisqu'il participe à la défi-
nition d'une politique nationale de
l'enseignement supérieur en tant que
vice-président de la Conférence des
présidents d'université.
Commentateur de la vie politique
à la télévision
Pendant toute cette période épuisante
qui s’achève en 1976, René Rémond ne
renonce à rien et continue à mener de
front ses activités de recherche et d'ensei-
gnement.
Il se fait d'ailleurs de sonmétier d’ensei-
gnant une conception très large, se
refusant à se limiter au seul public
étudiant et élargissant son auditoire en
intervenant dans différents médias.
C'est ainsi qu'il entre, sur proposition
de l’Union nationale des associations
familiales, au conseil des programmes
de l’ORTF puis à son conseil d'adminis-
tration. Il se retrouve pendant trente ans
de l’autre côté de l’écran, commentateur
éclairé de la vie politique française, plus
particulièrement lors des soirées d’élec-
tions. Considérant que ses interventions
médiatiques participent de sa fonction
d’enseignement, il les prolonge par l’écri-
ture de nombreux documentaires dont
la série
Le Siècle des hommes
. Pour autant
il ne néglige pas des formes plus tradi-
tionnelles de transmission en animant
près de trois mille conférences et en
publiant une cinquantaine d’ouvrages.
« Autorité morale »
Les années quatre-vingt-dix seront celles
de la consécration. Il multiplie ses inter-
ventions comme expert, notamment sur
des sujets très sensibles : il est appelé par
Mgr Albert Decourtray, archevêque de
Lyon, à établir les relations entre lemili-
cienPaulTouvier et l’Église (1992) ou bien
encore, à la demande du Premierminis-
tre, il préside la commission d’historiens
réunie pour faire la lumière sur « les
fichiers juifs » retrouvés au secrétariat
d’État aux Anciens combattants (1996).
De même dans le sillage de la mission
Matteoli sur la spoliation des biens juifs,
il préside le comité historique mis en
place par la Caisse des dépôts et consi-
gnations pour faire la lumière sur son
rôle pendant l’Occupation.
Intellectuel engagé, il le fut jusqu’au bout,
pesant sur les autorités pour promouvoir
les projets de Cité pour les archives ou
de reconstruction de la Bibliothèque
internationale de documentation con-
temporaine (BDIC). Il a en effet joué un
rôle éminent dans la décision de cons-
truction d’un nouveau centre pour les
Archives nationales, prise en 2004 par le
Président Jacques Chirac. René Rémond
n’a pas non plus esquivé les grands dé-
bats agitant la société française lors de la
dernière décennie en participant à la
commission Stasi chargée de réfléchir
sur l’application du principe de laïcité
dans la République ou en prenant part
au débat sur les loismémorielles (
Quand
l’État se mêle de l’Histoire : entretiens avec
François Azouvi,
2006).
Gageons qu’au terme de son existence,
René Rémond ait pu confronter avec
satisfaction son chemin de vie avec
le graphique dessiné par Marguerite
Yourcenar dans ses
Carnets de notes
des
Mémoires d’Hadrien
, ce graphique
« d’une vie humaine, qui ne se compose pas
quoi qu’on en dise, d’une horizontale et de
deux perpendiculaires, mais bien plutôt de
trois lignes sinueuses, étirées à l’infini, sans
cesse rapprochées et divergeant sans cesse :
ce qu’un homme a cru être, ce qu’il a voulu
être et ce qu’il fut. »
René Rémond est décédé le 14 avril 2007
à Paris.
Les universités parisiennes ont célébré
leur 40
e
anniversaire en 2011 et une thèse
majeure a été soutenue en Sorbonne
en fin d’année par l’historien Charles
Mercier sur
René Rémond, Nanterre et
l’université
.
« Il devient, le HM février GOMG,
le premier président de la nouvelle
université de Paris X-Nanterre.
Laméthode Rémond prend alors
toute sa dimension. »
Pierre Desgraupes et
René Rémond (à droite)
sur les toits de
l'université regardant
le campus de Nanterre.
Photo publiée dans le
magazine
Le Point
du
2 juillet 1973.
©DR
« Inconnus et illustres »
Cette exposition propose
jusqu’au 31 juillet 2012 de
nombreux documents du fonds
« généalogique » des Archives
départementales. À voir, par
exemple, l’apposition de scellés
de Gambetta, l’acte de
naissance de Louis de Funès ou
des photographies de Louis
Pasteur, mort à Marnes-la-
Coquette en 1895.
Archives départementales :
137 avenue Joliot-Curie à
Nanterre. Entrée libre ou sur
rendez-vous pour les visites
de groupes. Le lundi après-midi
de 13h à 17h, du mardi au jeudi
de 9h à 17h et le vendredi de
9h à 13h.
À consulter :
la nouvelle version
d’archives.hauts-de-seine.net
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