OuVERT
E
En 1897, GeorgesMéliès fait bâtir
dans sa propriété deMontreuil une immense serre pour
réaliser ses films de fiction et crée le premier studio de
cinéma. Ce modèle va s’étendre et, pendant près de
soixante ans, l’essentiel de la production cinématogra-
phique va se réaliser presque exclusivement en intérieur.
Du simple à-plat en carton pâte à la construction de
bâtiments entiers, il s’agit aux décorateurs de restituer
dans les studios un semblant de réalité.
Dans les années cinquante, l'arrivée de la nouvelle
pellicule Kodak ultrasensible et celle du magnétophone
Nagra rendent les déplacements moins contraignants
en laissant au garage des dizaines de camions dédiés à
la lumière et au son. Les extérieurs sont alors de plus en
plus recherchés.
Rohmer et les périples de Godard
La Nouvelle Vague renforce cette tendance. À l'instar
d'Éric Rohmer à Bourg-la-Reine (
La Carrière de
Suzanne
, 1963), avec le regretté Christian Charrière, ou
d'Agnès Varda à Fontenay-aux-Roses (
Le Bonheur
, 1965),
elle sort dans la rue et réintègre les personnages dans la
ville avec le souci esthétique de décrire « réellement »
les lieux, parties prenantes du scénario.
De 1964 à 1967, tandis que s'élabore la constitution des
nouveaux départements, les « JeunesTurcs » apportent,
à leurmanière, un souffle nouveau. En janvier 1965, Jean-
Luc Godard tourne
Alphaville
, une étrange aventure de
Lemmy Caution dans le quartier en pleine construction
de LaDéfense. Ce parti pris esthétique vient de l'idée que
le futur est déjà là et que Paris et ses habitants sont
devenus des machines. Avec
Alphaville
, puis
Pierrot le
fou
,
La Chinoise
et
Week-end
, Godard observe comme
personne lesmutations qui s'opèrent dans lesHauts-de-
Seine et dans l'ensemble de la région parisienne, tout en
dénonçant les incertitudes de notre société en plein
bouleversement qui hésite
« entre le désordre et la grâce,
la violence et la sérénité »
.
À Issy-les-Moulineaux, FerdinandGriffon, dit « Pierrot »
(Jean-Paul Belmondo), quitte famille et cadavre de trafi-
quant pour se réfugier dans le Sud. En perte d’identité, il
se maquille le visage de peinture bleue avant de se faire
sauter à la dynamite.À l’université deNanterre,Véronique
(Juliet Berto) projette d'assassiner un dignitaire sovié-
tique de passage à Paris. Ses conversations dans le train
avec Francis Jeanson annoncent les grèves qui vont
éclater quelques mois plus tard, en mai 68, et les incer-
titudes d’une jeunesse qui se cherche. La quadrilogie alto-
séquanaise de Godard s’achève ensuite sur les routes de
Ville-d'Avray à Saint-Cyr, où un couple de Français
moyens passe sonweek-end en voiture en tentant d’éviter
des embouteillages monstrueux et des accidents san-
glants. Le périple s’achève dans les Yvelines par une
rencontre aussi symbolique que surprenante avec des
membres du Front de libérationde Seine-et-Oise (FLSO).
Alors qu’en 1964, les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise volent en
éclats, l'industrie du cinéma est en pleine mutation. Aux studios vont succéder
les décors naturels. Toute une nouvelle génération de cinéastes, aux codes
techniques et esthétiques inédits, vont « occuper » les nouveaux territoires
…
Patrick Glâtre
Auteur de « La banlieue au cinéma, le cinéma en banlieue »
à cIEl
La villa Brunet, devenue en
1988 musée des Avelines,
a été le lieu de tournage
de plusieurs films :
Tout feu
tout flamme
, 1982, de Jean-
Paul Rappeneau,
La Belle
captive
, 1983, d’Alain Robbe-
Grillet,
L'Amour par terre
,
1984, de Jacques Rivette…
Daniel Brunet, riche
industriel et collectionneur
d'art, avait fait construire en
1935 cette villa à l'antique
sur le modèle de la villa
Kerylos de Beaulieu-sur-Mer.
scènes
Images & visages
cINÉMA