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merveilleux faiseur de mots. »
(
Degas, Danse, Dessin
, 1938).
Farouche célibataire, Degas ne vit que pour son artmais
aime à jouer les entremetteurs dans la famille Rouart,
c’est ainsi qu’il favorise le mariage entre les filles du
peintre Henry Lerolle, Yvonne et Christine, immorta-
lisées au piano dans le célèbre tableau de Renoir (1897),
avec Eugène et Louis, les fils de son ami Henri.
Degas introduit aussi JulieManet dans la famille. Fille de
BertheMorisot et d’EugèneManet (frère cadet du grand
Édouard), Julie orpheline se voit confiée à deux subrogés
tuteurs, Mallarmé et Renoir, qui fréquentent les salons
des Rouart. Degas la présente à Ernest, le troisième des
quatre fils d’Henri Rouart. Elle l’épouse et à son tour
favorise lemariage de sa cousine avec le poète PaulValéry,
le meilleur ami de son mari.
Comme des «Médicis » français
du XX
e
siècle
Une saga légendaire dont l’académicienne Dominique
Bona s’est fait le héraut dans un récent ouvrage où elle
écrit,
« Les Rouart et les Lerolle sont des familles clés pour
l’Histoire de l’Art de la fin du XIX
e
- début XX
e
… Claude
Debussy donnera
Lamort de Pelléas
dans le salon des Lerolle
avant de le créer à l’Opéra-Comique. ErnestChausson, grand
ami des Rouart, est aussi le beau-frère du père Lerolle…»
.
Henri Rouart est à la fois élève de Corot, polytechnicien
et inventeur du pneumatique. Une double carrière pour
ce père de six enfants qui pratique « le plein air » appris
de son maître Corot. Degas est son antithèse, n’aimant
que la ville et ses mondanités, les coulisses de l’Opéra et
le travail dans l’atelier. Les deux peintres sont néanmoins
inséparables.
À cinquante ans, Henri quitte l’industrie pour rejoindre
Degas derrière le chevalet et peint sans relâche toute sa
vie. Ernest, alors âgé de neuf ans, retient l’exemple et
tournera le dos à Polytechnique pour devenir peintre.
Pour l’heure, les six enfants d’Henri évoluent et gran-
dissent au milieu d’une collection inouïe que leur père
constitue avec passion et dont il ouvre les portes au public
tous les vendredis,
« en cachant ses propres tableaux »
,
rapporte l’écrivain David Haziot.
Un inventaire de la collection révèlera
« 900 œuvres, dont
une multitude de dessins et aquarelles prestigieuses, 47 toiles
de Corot, 12 toiles de Delacroix, 14 Millet, 14 Daumier,
8 Courbet, 3 Manet, des œuvres d’Eugène Isabey, Théodore
Rousseau, PhilippedeChampaigne,HubertRobert, Breughel…,
desDegas, Renoir, Gauguin, et 5Cézanne ! Par ailleurs, nombre
d’œuvres impressionnistes deMonet, Pissarro, BertheMorisot,
MaryCassatt…voisinent avec des tableaux deVelasquez, dont
le fameux Autoportrait, ou du Greco, ainsi que des maîtres
français et des peintres européens des siècles passés. Autant
d’œuvres accrochées à touche-touche sur trois étages y compris
dans les cages d’escalier et jusqu’au grenier ! »
.
Henri est réticent à l’idée d’exposer seul et préfère se
glisser aumilieu de ses amis, Degas, Renoir, Gauguin ou
aux côtés de Monet et de sa bande d’impressionnistes
dont il est le mécène. Sa générosité est à l’aune de sa
discrétion ; dès 1874, il finance les salles d’expositions des
impressionnistes (Salon des Refusés), invite les jeunes
peintres inconnus comme Caillebotte, ou pousse les
enchères pour aider les veuves de Sisley, Manet…
Passions et créations
« La dynastie Rouart reflète près d’un siècle de création »
,
note Colette Bal-Parisot, commissaire de l’exposition.
Peintre figuratif, Henri est touché par l’impressionnisme
« Dans cette famille, l’art était placé tellement haut,
créant une sorte de passion, qu’il s’est transmis
pendant trois générations. » Jean-Marie Rouart
© Christian Baraja
© Christophe Soresto
© Christian Baraja
De gauche à droite :
Henri Rouart
,
Autoportrait
, 3992,
huile sur toile (6: x 62 cm).
Collection particulière
Ernest Rouart
,
Autoportrait
, 3:29,
huile sur panneau.
Collection particulière
Augustin Rouart
,
Autoportrait
, 3:66
tempera sur toile
(68,7 x 62 cm).
Collection particulière
Le Jardin de la Queue-en-Brie,
Ernest Rouart,
3:32, huile sur toile
(:4,7 x 8:,4 cm).
Collectionparticulière