architecture
Création & métamorphoses
TERRITOIRES
EN POINTE
cONSTRucTIONS
SINGulIÈRES
T
rois particularités témoignent de l’his-
toire récente de l’architecture dans les Hauts-de-Seine :
la générosité des espaces de l’ancienne banlieue,
la création de La Défense et ce je-ne-sais-quoi qui
change tout.
Jusqu’au début des années 1980, la banlieue était encore
considérée dans les milieux urbanistiques comme une
entité relevant de la « non-ville », comme une forme
assez voisine du chaos. Il fallut attendre des publications
telles que
Banlieues de charme ou l’art des quartiers-jardins
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pour découvrir que l’on pouvait éprouver un véritable
désir de banlieue (ce que le cinéma nous avait pourtant
enseigné depuis 1936 avec
La Belle Équipe
de Julien
Duvivier) ou les résultats, enfin positifs, de longues
réhabilitations de grands ensembles conduites avec
finesse et ténacité, pour comprendre que ces territoires,
d’une variété quasi infinie, non seulement ne se rédui-
saient pas à de simples scories d’une ville qui ne s’achè-
verait jamais, mais pouvaient en outre présenter des
caractéristiques absolument uniques.
Enunmot, la vision radioconcentriquede la ville-capitale,
conduisait à poser une banlieue qui n’était rien d’autre
qu’une ceinture, annexable au cours du temps éventuel-
lement, selonune logiqued’anneauxdeplus enplus larges.
Plutôt que considérer les banlieues comme une véritable
chancedestructurer unemétropole à venir, on les envisa-
geait encore comme de simples opportunités d’OPA.
Cette chance, qui pourrait notamment aider Paris à
trouver des solutions à tout ce qui la contraint, voire par
endroits à ce qui la sclérose, elle est fonction directe,
justement, du sens initial du mot chaos, son sens
biblique: ce à partir de quoi quelque chose peut advenir…
un monde, par exemple.
Une chance parce que, plus prosaïquement, la première
qualité de la banlieue estd’être un système ouvert, qualité
non sans rapport avec la notion sympathique d’hospi-
talité, non sans rapport par exemple avec la générosité
d’espaces publics tels qu’on en prévoyait dans les grandes
opérations de logements jusque dans les années 1970.
La Défense appartient-elle à Paris,
ou aux Hauts-de-Seine ?
Procédons par ordre. La Défense a-t-elle lemême statut
que la Tour Eiffel ou le Sacré-Cœur ? Non. La Défense
annonce-t-elle Paris lorsque l’on arrive de l’Ouest, sans
doute. Àquelmoment est-on à Paris pourtant ?À la porte
Maillot, bien après avoir passé le quartier d’affaires.
Ce qui nous informe d’une structuremajeure du dépar-
tement est le
skyline
de LaDéfense avec lequel ne saurait
lutter la Tour Montparnasse, ni aucune autre. À preuve
de cela, le Front-de-Seine, qui jamais n’a pu prendre le
relais duhuitième arrondissement et des Champs Élysées
en matière de sièges sociaux. À preuve encore de l’inca-
pacitédeParis à accueillir denouvelles tours ensoncentre:
tous les projets actuels sont au ras du périphérique.
LaDéfense estdevenue une icônemajeure de lamoder-
nité, image qui a été très longue à se solidifier, image qui
a connu plusieurs incertitudes dans son enfance, image
aujourd’hui incontestable. Elle est l’icône de lamétropole
moderne. Cette image de la modernité équilibre les
nombreuses traces historiques encore tangibles dans de
nombreuses communes. Ces deux faces indissociables
d’un même miroir sont la marque des territoires « en
pointe », critère vérifiable à l’échelle internationale.
Les formes rondes et
enveloppantes de la
bibliothèque de Clamart
poussée au cœur du quartier
HLM de La Plaine en 1965
épousaient parfaitement
l’imagination novatrice de son
mécène, Anne Schlumberger :
les enfants y étaient libres.
Libres de venir, de se servir, et
de dévorer leurs trouvailles
sur place. C’était inédit. Cette
maison dédiée aux six mille
enfants du quartier eut une
audience internationale. « La
joie par les livres » a été
classée monument historique
en 2009. Maîtrise d’œuvre :
Atelier de Montrouge.
© Fonds Atelier de Montrouge. SIAF
Cité de l'architecture et du patrimoine/Archives d'architecture du XX
e
siècle