Les combats sont omniprésents dans ces corres-
pondances, lorsque Claude Léger fait allusion aux
bombardements à l’arrière par les zeppelins alle-
mands le 9 avril 1915 ou via des nouvelles reçues
des camarades. Seuls les envois de petites pièces
militaires aux proches constituent des motifs de
fierté ou de joie relative.
Le soldat putéolien se retrouve sur le front dans
lesVosges à partir du18mai 1915. Le3
e
bataillon
auquel il appartient arrive à Baccarat pour re-
joindre les autres unités du 39
e
régiment territo-
rial. Il y découvre le feu, le travail de sape dans les
tranchées et participe aux violents combats sur la
colline de la Fontenelle dans les Vosges entre le
23 juin et le 25 juillet 1915. La correspondance
s’interrompt en septembre 1915. On présume
que les examens professionnels qu’il entreprend
de passer à cette époque ont été couronnés de
succès et lui ont permis d’être affecté en tant
qu’ouvrier fraiseur dans une usine d’armement.
Les lettres, bouffée d’oxygène
C’est à Issy-les-Moulineaux que Jules Lucien
Sigeac se marie en 1910 avec Marguerite Déliée
(1889-1963). De leur union naissent deux filles,
Raymonde en 1916 puis Lucienne en 1920.
Durant les quatre années de guerre, Jules Lucien
et sa jeune femme Marguerite s’écrivent quoti-
diennement.
Claude Léger épouseVictorine Primard à Puteaux
le 30 janvier 1904. Le couple réside au 72 bis rue
de Paris et le mari, caoutchoutier, travaille dans
les établissements Rabut. Leur petite fille, Léone,
naît le 5 février 1909.
Thème récurrent de la littérature des tranchées,
l’importance du courrier dans l’existence du
conscrit apparaît dans de nombreux documents.
Victorine s’épanche dès le départ de son mari
en août 1914, elle lui écrit tous les jours et la
tendresse qui unit cette famille se lit dans chaque
Verso de la carte de correspondancemilitaire de Claude
Léger à sa femme et à sa fille Léone, 18mai 1915
collections
archives.hauts-de-seine.net
Jules Lucien Sigeac est coiffeur à Issy-les-Moulineaux, Claude Leger réside à Puteaux.
Ces deux hommes mobilisés en août 1914 correspondent avec leurs proches jusqu’à
lafindu conflit. Leurs échanges sont conservés auxArchives départementales.
Jules Lucien Sigeac (1886-1952) est affecté au
41
e
régiment d’infanterie coloniale puis, après
la dissolution de ce régiment le 1
er
mai 1917, au
24
e
régiment d’infanterie coloniale. Sous-officier
mitrailleur, il est présent sur les zones de combat
pendant toute la durée du conflit. Le lieutenant
-colonelThierry,commandant le24
e
Coloniale,écrit
de lui le 15 août 1918 :
« Très bon sous-officier
mitrailleur, intelligent, énergique et très compétent
dans sa spécialité. Assez bonne instruction
générale. Bonne tenue. S’est très bien comporté
au feu. »
Démobilisé le 27 mars 1919, avec le
grade de sous-lieutenant, il est élevé au grade de
chevalier de la Légion d’honneur le 8 juillet 1929,
son dossier fait état d’une blessure et de deux
citations. Quant à Claude Léger (1875-1934), il
est incorporé dans le 57
e
régiment d’infanterie
territoriale à Auxonne (Côte-d’Or).
La guerre vue de l’intérieur
Relativement méconnus, les régiments d’infan-
terie territoriale ont joué un rôle important dans
ce conflit. Au-delà des gardes passives ou de
la défense de villes, ils ont également pris part
aux combats notamment, comme le révèlent les
lettres, en venant en appui aux troupes avec la
réalisation de travaux de sape des tranchées
ennemies.
Archives départementales
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Échos de la Grande Guerre
© Archives départementales des Hauts-de-Seine - V. Lefebvre
© Archives départementales des Hauts-de-Seine - V. Lefebvre
courrier. La souffrance est égalementmorale pour
ces territoriaux souvent en charge de famille et
qui en sont brutalement séparés. L’approche des
fêtes, de Noël ou de Pâques, ravive cette douleur
lancinante :
« Ma chère Victorine tu embrasseras
bien notre chère petite mignonne car ce qui vât
[sic] me faire du mal cette année c’est de penser
que je ne pourer [sic] lui faire aucun cadeau pour
son Noel que je suis content de lui avoir acheter
sa voiture l’année dernièremoi qui étais heureux
de lui faire ce petit cadeau et cette année rien
même pas pouvoir l’embrasser chette [sic] chère
petite mignonne que j’aime tant j’en ai les larmes
Lettre de Lucien Sigeac à sa femmeMarguerite,
15 octobre 1918.