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Sceaux
Exposition
L
e 25 juin 1704 naquit Louis de
France, titré duc de Bretagne. Arrière-petit-fils de Louis
XIV, petit-fils du Grand Dauphin, fils du duc de
Bourgogne et de Marie-Adélaïde de Savoie, l’enfant
semblait devoir assurer la pérennité d’une dynastie vigou-
reuse dont trois générations de représentants mâles,
vivant dans la lumière déclinante du patriarche, étaient
légitimement appelées à se succéder. La cour, la ville et
plus généralement le bon peuple de France ne pouvaient
que se réjouir de voir la Providence faire triompher, en
une sorte d’allégorie de chair, le principe sacré de
succession au trône par ordre de primogénituremascu-
line. Les fêtes furent donc nombreuses en ce début d’été…
L’institution du Salon
L’Académie royale de peinture et de sculpture ne fut pas
en reste et décida, pour magnifier en quelque sorte la
circonstance, d’organiser une exposition où l’on pût voir
les meilleures produ ions récentes de ses membres
respe és. Selon les termes de ses statuts, modifiés en
1666 – l’institution ayant elle-même été créée en 1648 –,
il était convenu que, tous les deux ans, «dans undes jours
de la Semaine Sain e », les académiciens apporteraient
de leurs œuvres sur lesquelles la compagnie « raison-
nerait » en présence de son prote eur, en l’occurrence
Jean-Baptiste Colbert. Un premier Salon eut donc lieu
en 1667, suivi d’un deuxième en 1669, puis d’un troisième
en 1671. Ouvert au public, il se tenait alors dans la cour
du palais Brion. Celui de 1673 donna lieu à la publication
d’une liste des ouvrages présentés, embryon de ces
catalogues appelés à devenir lamémoire aujourd’hui très
précieuse de l’événement. Mais les difficultés et le coût
de l’organisationdu Salonfirent qu’il n’y en eut plus avant
1699. Louis XIV voulut alors qu’il se tînt dans la Grande
Galerie du Louvre et qu’il ouvrît le jour de la Saint-Louis,
ce qui fut encore le cas en 1704.
Le musée de l’Île-de-France a l’immense privilège de
conserver l’un des chefs-d’œuvre de ce dernier Salon
du règne de Louis XIV, le
Festin de Didon et Enée
de
François de Troy, acquis en 2008 par le Conseil général
desHauts-de-Seine avec le soutiendeTotal. Représentant
les héros de la mythologie sous les traits du duc et de la
duchesse du Maine, entourés d’une quarantaine de
familiers de leur cour de Sceaux, ce grand tableau est le
seul portrait de la fin du règne de Louis XIV à réunir un
aussi grand nombre de personnages. Parmi eux, le duc
de Saint-Simon reconnut des domestiques, mêlés à
l’assemblée, bien en vue et traités par le peintre sur un
pied d’égalité avec leurs maîtres. Il n’en fallut pas plus à
l’auteur des célèbres
Mémoires
pour armer sa plume
contre le fils bâtard du roi et la petite-fille du Grand
Condé… Il est vrai que cette licence iconographique, si
contraire aux conventions du portrait classique, avait sans
doute été soufflée au peintre par la duchesse du Maine
qui ne dédaignait pas, c’est lemoins que l’on puisse dire,
de provoquer sonmonde quand l’occasion s’enprésentait.
L’originalité de l’œuvre en son temps, tant du point de
vue de l’iconographie que de celui dustyle, et les circons-
tances particulières de sa révélation au public dans le
cadre de l’ancien Salon, sont à l’origine de l’exposition
que présentera, au printemps prochain, lemusée de l’Île-
de-France. L’idée en est de réunir, autour du
Festin de
Didon et Enée
de François deTroy, desœuvres qui, toutes,
furent présentées à ses côtés dans la Grande Galerie du
Louvre en 1704 et qui, aujourd’hui, constituent un échan-
tillon nécessairement représentatif des partis pris esthé-
tiques les plus affirmés de la fin du règne de Louis XIV.
Véritable « tranche » d’histoire de la peinture française,
Jacques Van Schuppen
Jeune fille sur une
escarpolette
Huile sur toile,
H. 58,5 x L. 43 cm
Avec l'aimable autorisation
du marquis de Lastic.
Château de Parentignat
© Collection Lastic. Château de Parentignat
© Galerie Terrades, Paris / Thierry Jacob
Nicolas Langlois et
Antoine Trouvain
Almanach pour
l'an de grâce 1699.
Burin, H. 89,5 x L. 56,5 cm
Détail :
Exposition des ouvrages
de peinture et de sculpture par
Mrs de l'Académie dans la galerie
du Louvre en 1699.
Avec l'aimable autorisation de la
Galerie Terradès, Paris