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lignes, des parterres et des bassins aux formes géomé- triques, de profondes perspectives… D’un grand intérêt iconographique, ces œuvres, et tout particulièrement les estampes du précieux « Album Perelle », constituent parfois l’unique témoignage de domaines et de jardins aujourd’hui disparus. Ellesdocumententlesétatsdisparus des jardins maintes fois repris et transformés. Une vue gravée par Jacques Rigaud (1680-1754) conserve ainsi la première version du bosquet des Bains d’Apollon, à Versailles, bienavantsaconversionaugoûtanglo-chinois, sous la conduite d’Hubert Robert (1730-1808). Des jardins d’Arcueil aux jardins anglo-chinois Le jardin régulier, communément dit « à la française », résista longtemps à la vogue anglo-chinoise, qui connut son apogée sous le règne de Louis XVI. Dans cette évolutiondugoûtversunenatureenapparenceplus libre, le jardin aménagé à Arcueil, vers 1720-1730, constitua un modèle de transition. Il n’en reste aujourd’hui que de maigres vestiges et sa renommée perdure grâce aux dessins de quelques artistes, parmi lesquels Jean-Baptiste Oudry(1686-1755).Relevantdujardinclassiqueparcertains aspects, mais ponctué de fantaisies « rocaille », le jardin d’Arcueiloffraitdesavantesperspectives,favoriséesparun jeu complexe de terrasses superposées. Les dessins d’Oudry, tracés sur le motif lors d’expéditions sur site, rendentadmirablementlacomplexitéspatialedecejardin « rococo», ses bois dehaute futaie, ses décors de treillage, ses fontaines agrémentées de sculptures. Contrairement à l’Allemagne ou à la Suède, la France adopta tardivement le modèle anglo-chinois. Les premiers exemples, à Ermenonville ou au Moulin-Joly, prèsdeColombes,puisàMortefontaine,furentaménagés dans le dernier tiers du XVIII e siècle. D’une conception irrégulière, le jardinanglo-chinois s’opposait clairement à la rigidité des parcs « à la française » et privilégiait une nature foisonnante et pittoresque, ornée de cascades rocheuses, depetits torrents, d’étangs, de rochers escarpés ou de lacs artificiels. Au Moulin-Joly, Claude-Henri Watelet, en peintre qu’il était, composa lui-même son jardin : il y distribua les éléments d’un paysage rustique, dontHubert Robert laissa plusieurs sanguines. Les jardins anglo-chinois ont systématisé, comme à Méréville ou au Hameau de la Reine, à Versailles, les petits édifices purement décoratifs, appelés « fabriques ». De semblables constructions d’inspiration antique ou médiévale paraissent étonnamment dans le Transparent des Quatre Saisons , dessiné par Louis Carrogis, dit Carmontelle, en 1798. Elles ne se rapportent à aucun lieu connu, mais il est possible d’y voir une allusion au jardin de Monceau, célèbre parc à fabriques créé par Carmon- telle pour le duc de Chartres, vers 1769-1773. Appliqué sur une bande de papier de plus de 40mètres, le Transparent des Quatre saisons était destiné à être déroulé, rétroéclairé etbonimentédevantunepetiteassemblée. Carmontelley évoquait la douceur de vivre à la veille de la Révolution, fort bien illustrée par ces dames et gentilshommes élé- gants,prenantplacedansuneembarcationoudéambulant dans l’allée d’un jardin. Jardinsmenacés de disparition, jardins restaurés La dernière partie de l’exposition rappelle utilement la vulnérabilité des jardins, fragiles compositions végétales soumises aux aléas de l’histoire. La chute de l’Ancien Régime fut, pour les grands domaines et leurs jardins, alorsprivésdeleursplusbeauxornements,unepériodede déclin. Confisqué comme « bien national » en 1793 et transformé en exploitation agricole, Sceaux faillit connaître ce sort funeste. Une vue imaginaire du parc de Sceaux, composée par Jean-Baptiste Hilair (1753-après 1822) en 1795, témoigne de cette période sombre. On y reconnaît l’une des célèbres statues de Sceaux, le fameux Hercule gaulois de Pierre Puget (aujourd’hui au Louvre), maintenusursonpiédestal,maisisoléaucœurd’unjardin laissé à l’abandon. Sceaux redevint une demeure en 1829, grâce à la détermi- nation de ses nouveaux propriétaires, le duc et de la duchesse de Trévise. Ce contexte favorable présida au renouveau du jardin tracé par Le Nôtre, qu’il n’était toutefoispasquestionde rendredans toute sacomplexité. La gouache de Gaspard Gobaut décrit un parc aux lignes simplifiées, adapté à des usages nouveaux et au goût de l’époque.Danslesgrandsparterres,lesbroderiesontlaissé la place à de grandes étendues de gazon. Restituer ou réinventer, reconstituer ou évoquer, un débat toujours d’actualité… n Jean-Baptiste Hilair, Vue recomposée du parc de Sceaux , 1795, gouache. © CD92 / MDDS 13
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